La Basilique du Sacré Cœur
La Basilique du Sacré Cœur
Le Sacré Cœur n’est plus à présenter tellement il est devenu un des symboles de Paris. Étape incontournable d’une ballade dans Montmartre, on y admirera notamment sa belle façade de style romano-byzantin, ses mosaïques intérieures, ainsi que la vue qui s’ouvre sur la ville.
Quelques Faits
Voici sept faits intéressants sur ce beau monument :
• La mosaïque du Christ en gloire , avec ses 475m2, est une des plus grandes mosaïques du monde. Elle représente dans le chœur de la Basilique le Christ ressuscité, vêtu de blanc, les bras grands ouverts, laissant voir un cœur d’or.
• C’est le deuxième point le plus haut de Paris : la colline de Montmartre culmine à 130 mètres, et la Basilique s’élève à 91 mètres, pour une hauteur totale de 221 mètres, contre 300 mètres pour la To,bur Eiffel et 210 mètres pour la Tour Montparnasse.
• La Savoie a offert une cloche appelée « la Savoyarde », qui pèse 19 tonnes. C’est une des plus lourdes au monde, et la plus lourde qui peut se balancer. Elle a été montée à grand peine sur la butte par 28 chevaux le 16 Octobre 1895. Ce fut la contribution officielle de la Savoie à la France, pour le Vœu National, mais aussi pour son rattachement à l’Hexagone le 12 juin 1860.
• La façade de la Basilique s’auto-nettoie: le travertin, une roche sédimentaire calcaire, a été utilisé pour la construction. Cette pierre a été choisie par l’architecte pour ses qualités de dureté et d’auto-nettoiement au contact de l’eau, ce qui préserve la teinte blanche du monument.
• La Basilique n’est pas construite selon le plan basilical traditionnel. Elle est en forme de croix grecque, ornée de quatre coupoles. Pour son projet, l’architecte Paul Abadie s’est inspiré des styles romains et byzantins, et notamment de Sainte Sophie de Constantinople et de Saint Marc à Venise.
•Depuis la nuit des temps, Montmartre a été un lieu de culte : les Druides gaulois, les Romains avec les temples dédiés à Mars et Mercure, l’Église Saint-Pierre, la plus ancienne de Paris, reconstruite près de l’Abbaye Royale de Montmartre au XIIè siècle par le roi Louis VI et sa femme Adélaïde de Savoie… Enfin, le Sacré-Cœur, érigé à la fin du XIXè siècle.
• La construction de la Basilique s’inscrit dans le contexte de « recharge sacrale » et dans le cadre d’un nouvel « ordre moral » faisant suite aux événements de la Commune de Paris de 1871, dont Montmartre fut un des hauts lieux. Voir notre article sur l’histoire de la Basilique pour plus de détails à ce sujet.
L’histoire de la Basilique
La guerre de 1870-1871
L’histoire de la Basilique est intimement liée à la guerre de 1871 et à la Commune de Paris. En 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse de Bismarck, sûr de sa victoire. Cependant, les succès militaires ne sont pas au rendez-vous et le 2 Septembre 1870, l’Empereur est fait prisonnier à Sedan. La nouvelle arrive à Paris le 3 Septembre, l’Empereur est déchu sous la pression populaire et la Troisième République est instaurée le lendemain. L’armée allemande arrive aux portes de Paris et assiège la ville. Paris connaît alors une grave famine pendant l’hiver 1870-1871, et un armistice est signé en Janvier 1871 pour organiser des élections et décider de l’issue de la guerre.
La Commune de Paris
Le 8 Février, une assemblée pacifiste et royaliste est élue – la plupart des députés « pour la paix » viennent des régions, alors que les députés de Paris sont en très forte majorité « pour la guerre ». Cet armistice est très mal vu par les classes populaires de Paris, qui ont beaucoup souffert pour tenir le siège et qui ne s’estiment pas vaincues. Un fossé grandissant apparaît entre les provinces et la capitale. L’Assemblée Nationale transfert son siège de Paris à Versailles, et face à la grogne populaire de Paris, décide le 17 Mars 1871 de désarmer la ville en enlevant ses canons dont une partie se trouve à Montmartre. C’est ce qui déclencha les hostilités : une partie des Parisiens se sent trahie par cette assemblée à majorité royaliste et bonapartiste, qui a signé la paix avec l’ennemi et qui maintenant veut les désarmer.
Paris se soulève et organise des élections le 26 Mars 1871 : c’est la Commune de Paris, qui administra Paris pendant 72 jours, avec un programme politique révolutionnaire ainsi résumé:
« La Révolution communale, commencée par l’initiative populaire du 18 mars, inaugure une ère nouvelle de politique expérimentale, positive, scientifique. C’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres. »
Le 21 Mai 1871, l’armée régulière entre dans Paris, marquant le début de « la Semaine Sanglante », qui verra la Commune se faire mater dans le sang. En tout, la commune déplorera environ 7500 morts, dont 1400 fusillés. Karl Marx conclut son ouvrage « La Guerre civile en France » par ces mots : « Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle. Le souvenir de ses martyrs est conservé pieusement dans le grand cœur de la classe ouvrière ». La Commune de Paris restera ainsi un point de référence pour les révolutions rouges qui suivront à travers le monde.
La Réhabilitation Morale
A l’issue de la Commune réprimée dans le sang, et après une défaite contre la Prusse, beaucoup accusent la « décadence morale » d’être à l’origine des malheurs qui frappent la France. Le jour de la proclamation de la IIIe République, le 4 Septembre 1871, l’évêque de Nantes attribuait déjà la défaite de la France à une punition divine après un siècle de déchéance morale depuis la révolution de 1789.
C’est dans ce contexte qu’Alexandre Legentil, un philanthrope parisien fait le vœu suivant :
« En présence des malheurs qui désolent la France et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore. En présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de l’Église et du Saint-Siège, et contre la personne sacrée du Vicaire de Jésus-Christ nous nous humilions devant Dieu et réunissant dans notre amour l’Église et notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés. Et pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos fautes ainsi que les secours extraordinaires, qui peuvent seuls délivrer le Souverain pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France. Nous promettons de contribuer à l’érection à Paris d’un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus. »
Avec son beau-frère peintre, Hubert Rohault de Fleury, il va commencer les démarches qui vont aboutir à la construction de la Basilique du Sacré Cœur. Son charisme et ses contacts l’aident à transformer ce vœu en projet national, alors que les évènements de la Commune de Paris et ses violences renforcent ce sentiment de « décadence ». L’Assemblée conservatrice se rend aux arguments des promoteurs de la construction du Sacré Cœur, et vote en 1873 une loi déclarant le projet d’utilité publique, permettant ainsi d’acquérir les terrains nécessaires, et de lancer une souscription nationale pour réunir les fonds nécessaires à la construction. Cette construction s’inscrit dans le cadre d’un nouvel « Ordre moral » promu par les conservateurs dans l’Assemblée Nationale de 1871, et dans le contexte de « recharge sacrale » que l’église catholique a entreprise au 19ème siècle afin de reconstituer la foi et la puissance sacrale des pratiques religieuses après la rupture révolutionnaire de 1789.
Bien que la loi ne mentionne pas la Commune de Paris comme une des causes du projet, le choix d’ériger la Basilique sur la butte Montmartre était hautement symbolique : c’est en effet là où la Commune a commencé et là où se trouvaient les canons de Montmartre. Hubert Rohault de Fleury fit d’ailleurs explicitement le lien après la cérémonie de pose de la première pierre :
« Oui, c’est là où la Commune a commencé, là où ont été assassinés les généraux Clément-Thomas et Lecomte, que s’élèvera l’église du Sacré-Cœur ! Malgré nous, cette pensée ne pouvait nous quitter pendant la cérémonie dont on vient de lire les détails. Nous nous rappelions cette butte garnie de canons, sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l’Église semblait surtout animer. »
La consécration de l’église et son élévation à la dignité de basilique mineure, initialement prévue le 17 octobre 1914, est reportée à cause de la Première Guerre Mondiale. Elle a finalement lieu le 16 octobre 1919.
Qu’est ce qu’une basilique ?
Une basilique n’est pas une ‘église’ comme les autres. Une église est un lieu de culte, dans une paroisse ou au sein par exemple d’une abbaye. Une cathédrale est le siège de l’évêque, c’est à dire l’église principale d’un diocèse (territoire comprenant plusieurs paroisses).
Une basilique, en revanche, dans l’église catholique, est un lieu de culte qui revêt une dignité particulière, parce qu’elle abrite une relique, ou parce qu’elle a été édifiée sur un lieu où un saint a vécu ou est mort (comme la basilique du Saint Sépulcre à Jérusalem), ou encore parce que le pape lui a donné ce statut, en général sur demande de l’évêque, ce qui est le cas de la Basilique de Montmartre. D’après moi, la basilique a été construite dans un contexte de laïcisation croissante, et a été consacrée basilique pour tenter de restaurer un ordre moral dont on sentait qu’il disparaissait.
Vouée à l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, la basilique de Montmartre est le « sanctuaire de l’adoration eucharistique et de la miséricorde divine ». Depuis 1885, des fidèles s’y relayent pour prier de façon ininterrompue, de jour comme de nuit, afin de remplir sa mission d’intercession constante pour l’Église et le monde.